Ans De Vos : « Toutes les convictions et les habitudes ont fait l’objet d’une remise en question durant cette pandémie. On peut donc considérer cette crise sanitaire comme une expérience pour la vie professionnelle des employeurs et des travailleurs belges. Elle nous a forcé à nous interroger sur la place d’une activité professionnelle dans une existence, ainsi qu’au sens que nous voulons donner à nos parcours professionnels. »

« Un retour au contexte professionnel pré-pandémique est désormais impossible. Les statistiques de notre étude le prouvent : 50 % des travailleurs belges avouent actuellement s’interroger plus sur leur parcours professionnel qu’avant la crise sanitaire. »

Entre 2020 et 2022, l’Antwerp Management School (AMS) et l’UGent ont mené diverses études de grande ampleur auprès des employeurs et de leurs travailleurs. Ces études ont permis de collecter un grand nombre de données sur les effets de la crise sanitaire sur notre équilibre psychologique, notre manière de travailler ensemble et nos aptitudes personnelles.

Les conclusions de ces études ont fait l’objet d’une compilation minutieuse dans un livre blanc qui est aujourd’hui téléchargeable en ligne.

Enseignement n°1 : sortir d’une zone de confort permet d’apprendre énormément

Ans De Vos : « Le contexte sanitaire nous a forcé à travailler autrement. L’adoption à grande échelle du travail à distance en est l’un des exemples les plus évidents. De nombreux changements ont eu lieu au sein même des entreprises. Par exemple, 20 % des employeurs belges affirment que leurs collaborateurs ont accompli de nouvelles tâches, endossé d’autres responsabilités ou ont travaillé au sein d’autres branches ou services. »

« Sortir de nos habitudes nous a amené à acquérir un grand nombre de nouvelles aptitudes sans recevoir aucune formation préalable. Une réunion professionnelle en ligne exige par exemple une organisation différente de celle d’une réunion réalisée au sein d’une salle de conférence. Afin d’effectuer de nouvelles tâches que les travailleurs ne connaissaient pas, ces derniers ont été contraints de se familiariser avec de nouvelles méthodes de travail et avec certains logiciels qu’ils n’utilisaient jamais auparavant. »

« Près de 90 % des employeurs reconnaissent que leurs travailleurs ont évolué durant la pandémie. Les différentes études prouvent également que plus de 30 % de ces individus ont fait l’acquisition de nouvelles aptitudes. »

Enseignement n°2 : travailler signifie plus que le simple accomplissement d’une activité

Ans De Vos : « Progressivement, nous avons pris conscience de ce que nous aimons ou des éléments qui nous manquent dans notre activité professionnelle, ceux qui nous permettent de nous réénergiser ou de nous rendre plus créatifs et également des moments durant lesquels nous sommes productifs et improductifs. Certains travailleurs à distance ont totalement exploité leur autonomie et leur temps libre pour profiter de leur famille et de divers loisirs. D’autres, par contre, ont énormément souffert de l’isolement social. »

« Tous ces éléments permettent une renégociation du contrat psychologique avec les employeurs : de quelle manière souhaitez-vous aujourd’hui travailler pour en profiter le plus possible au niveau privé et professionnel ? La durabilité d’une carrière est proportionnelle à la productivité, à la santé et au bonheur. Grâce à son activité, un travailleur doit évidemment satisfaire les besoins de son entreprise. Mais il peut à présent prendre l’initiative de conclure un accord avec la personne qui l’emploie. »

Enseignement n°3 : notre activité et notre parcours professionnels sont notre propriété

« La crise sanitaire nous a fait prendre conscience que tout dans ce monde peut basculer brusquement. Néanmoins, le choc expérimenté au niveau de nos parcours professionnels en raison de la pandémie ne doit pas être perçu comme quelque chose de forcément négatif », précise Ans De Vos. « Certains individus pensent au contraire qu’ils contrôlent davantage leur activité et leur carrière actuellement. La plupart des travailleurs qui ont répondu aux enquêtes constatent plus d’effets positifs pour leur parcours professionnel. »

« 90 % des individus interrogés prétendent posséder les aptitudes adéquates pour demeurer dans leur profession après la pandémie. Ils appréhendent leur carrière avec davantage de positivité après plusieurs mois de crise sanitaire, surtout ceux qui ont accompli de nouvelles tâches durant cette dernière. Outre des aptitudes professionnelles et digitales, ces personnes ont aussi acquis des aptitudes d’ordre général, comme par exemple gérer un changement contextuel. »

Enseignement n°4 : il est possible de bénéficier de ces nouvelles compétences

« À mesure que nos aptitudes se diversifient, notre employabilité s’agrandit au sein de notre entreprise et sur le marché du travail. Ces nouvelles aptitudes ouvrent aussi de nouvelles perspectives de formation. Il est possible d’être formé afin d’acquérir une meilleure maîtrise d’une aptitude ou une plus grande expertise dans un autre domaine. »

« Les travailleurs doivent parler des formations avec leurs employeurs. Il s’agit d’une récompense méritée par rapport aux efforts qu’ils ont déployés durant la crise sanitaire. »

Enseignement n°5 : pas de verticalité obligatoire des carrières

Ans De Vos : « On dit souvent qu’une carrière ne se cantonne pas au gravissement d’échelons. Malheureusement, les carrières font encore preuve d’une très forte stabilité et prévisibilité. Toutefois, ce choc va peut-être faire évoluer la mobilité professionnelle. »

« 25 % des collaborateurs recherchent passivement un nouvel emploi, moins de 10 % en recherchent un activement et 25 % des employeurs affirment que la pandémie a impacté les carrières dans leur entreprise. »

« Les travailleurs qui sont parvenus à tirer profit de la crise sanitaire vivront plus facilement de futures évolutions », conclut Ans De Vos. « Ils doivent oser parler à leur employeur de leur souhait d’accomplir des tâches différentes ou d’endosser d’autres responsabilités. »